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Quand je me suis levée, le lendemain matin, j’ai appelé mon frère sur son portable. Il m’a suffi d’un coup de pouce pour composer son numéro préenregistré. Je n’avais pas passé la meilleure nuit de ma vie, mais j’avais réussi à dormir un peu. C’était déjà ça. Jason a décroché dès la deuxième sonnerie. Il avait l’air préoccupé.
— Allô ?
— Salut, frangin ! Ça roule ?
— Écoute, faut que je te parle. Là, je peux pas. Je serai chez toi d’ici deux heures.
Et il a raccroché sans dire au revoir. Rien qu’à sa voix, on le sentait drôlement inquiet. Génial ! Comme si ma vie n’était pas déjà assez compliquée !
J’ai jeté un coup d’œil à la pendule. En deux heures, j’avais largement le temps de me préparer et de filer en ville faire quelques courses. Jason arriverait vers midi et, tel que je le connaissais, il compterait sur moi pour lui offrir le déjeuner. Je me suis fait une queue-de-cheval que j’ai ramenée sur le dessus en coinçant le bout avec un deuxième tour d’élastique. J’avais un petit éventail qui se balançait au-dessus de la tête. Marrante, cette coiffure express, non ? Enfin, pas mal... pas mal du tout, même. Vaniteuse, moi ? Jamais !
Dehors, l’air était vif et frais. C’était un de ces matins de mars prometteurs : un bel après-midi en perspective. Le ciel était si limpide et le soleil si radieux que ça m’a remonté le moral. J’ai conduit jusqu’à Bon Temps avec la fenêtre ouverte, en chantant à tue-tête tout ce qui passait à la radio. J’aurais même accompagné Marilyn Manson par un temps pareil.
Dans sa série «tubes de toujours », le DJ a balancé Love me tender, d’Elvis. Du coup, je me suis demandé où était passé Bubba (le vampire qu’on ne connaissait plus désormais que sous le nom de Bubba, du moins). Ça faisait près d’un mois que je ne l’avais pas vu. Peut-être que les vampires de Louisiane lui avaient déniché une nouvelle cachette. Ou peut-être qu’il était parti se balader. Ça le prenait, de temps en temps. Et c’est comme ça qu’on se retrouvait avec des articles pleine page sur certaines apparitions encore inexpliquées, dans la presse à scandale (vous savez, ces journaux empilés près de la caisse, chez l’épicier).
Et voilà qu’au beau milieu de cet instant de grâce, alors même que j’étais tout heureuse, gaie comme un pinson, j’ai eu une de ces idées qui vous passent par la tête au moment où vous vous y attendez le moins. Ce serait super si Eric était assis, là, à côté de moi. Il serait si beau, avec ses longs cheveux blonds flottant au vent. Et il saurait si bien savourer ce bonheur fugace... Enfin, avant de griller sur place – on était quand même en plein jour – et de se changer en tas de cendres...
En fait, j’avais pensé à Éric parce que, une superbe journée comme celle-là, on a envie de la partager avec quelqu’un, une personne à laquelle on tient, celle avec laquelle on se sent le mieux. C’est-à-dire, pour moi, l’Éric que j’avais connu quand il était amnésique. Un Éric que des siècles de manœuvres politiciennes à la sauce vampire n’avaient pas endurci, un Éric qui n’éprouvait aucun mépris pour les humains et leurs petits problèmes mesquins, un Éric qui n’était pas à la tête d’un empire financier, et donc responsable de la vie et du gagne-pain de tant d’employés, aussi bien vampires qu’humains. En clair, Éric tel qu’il ne serait jamais plus.
J’ai poussé un profond soupir. La chanson que je fredonnais s’est éteinte au bord de mes lèvres, comme étouffée par le nœud qui me serrait soudain la gorge. Puis je me suis secouée. À quoi bon pleurnicher sur le passé, gourde que tu es ? Tu es jeune, en bonne santé, il fait beau, et tu as un vrai rencard vendredi soir. N’était-ce d’ailleurs pas l’occasion de m’offrir quelque chose ? Aussitôt dit, aussitôt fait. Au lieu de me rendre directement à la supérette, je suis allée chez Tara’s Togs, la boutique de prêt-à-porter de luxe que tient mon amie Nikkie Thornton.
Ça faisait un moment que je n’avais pas vu Nikkie. Elle était partie en vacances chez une tante au Texas et, depuis qu’elle était rentrée, elle faisait de longues journées de travail au magasin. C’était du moins ce qu’elle m’avait dit quand je l’avais appelée pour la remercier au sujet de la voiture. Lorsque ma cuisine avait brûlé, ma voiture avait cramé avec, et Nikkie m’avait prêté son ancienne voiture, une Malibu d’à peine deux ans. Elle en avait une neuve (peu importe de quelle façon elle se l’était procurée) et ne s’était pas résolue à vendre l’ancienne.
À ma grande surprise, environ un mois plus tôt, Nikkie m’avait envoyé la carte grise et l’acte de vente avec une lettre m’annonçant que, désormais, la Malibu m’appartenait. Je lui avais téléphoné pour protester, mais elle n’avait rien voulu savoir. Je n’avais finalement eu d’autre solution que d’accepter ce stupéfiant cadeau.
Nikkie entendait par là s’acquitter de la dette qu’elle estimait avoir envers moi parce que je l’avais tirée d’un très, très mauvais pas – mauvais pas dont je l’avais sortie grâce à Éric, ce qui expliquait que j’aie à mon tour contracté une dette envers lui. Non que ça m’ait posé un problème : Nikkie était mon amie d’enfance, elle était maintenant en sécurité (si elle était assez maligne pour se tenir à l’écart du monde des vampires et des Cess) et, à mes yeux, c’était tout ce qui comptait.
Certes, je lui étais très reconnaissante et j’étais ravie d’avoir la voiture la plus neuve que j’aie jamais eue, mais j’aurais nettement préféré pouvoir toujours compter sur son indéfectible amitié. Ces derniers temps, elle s’était éloignée (je lui rappelais de trop sinistres souvenirs, je suppose) et, peu à peu, un voile était tombé entre nous. Mais, aujourd’hui, je me sentais d’humeur à le déchirer. Peut-être Nikkie avait-elle eu le temps de digérer ses mésaventures...
La boutique de Nikkie se trouvait dans un petit centre commercial au sud de Bon Temps. Il n’y avait qu’un seul véhicule garé devant. Quand j’ai franchi le seuil, Nikkie était occupée à servir Portia Bellefleur, la sœur d’Andy. En attendant, je me suis donc mise à parcourir le rayon des trente-huit, puis des quarante. Portia était assise derrière le comptoir d’Isabelle Mariage : largement de quoi piquer ma curiosité. Nikkie est la représentante locale de la marque Isabelle Mariage, une société d’envergure nationale qui publie un catalogue de référence sur tout ce qui a trait, de près ou de loin, au mariage. On y trouve des robes de demoiselle d’honneur dont chacune est déclinée en une vingtaine de coloris. Quant aux robes de mariée d’Isabelle, il en existe vingt-cinq modèles. La société propose aussi des cartons d’invitation pour enterrement de vie de jeune fille, des faire-part, de la décoration, des jarretières, des bouquets de demoiselles d’honneur... Bref, aucun article de l’attirail matrimonial, si futile soit-il, ne manque au catalogue. Cependant, Isabelle Mariage s’adresse plutôt aux classes moyennes. Or, Portia était sans conteste ce qu’on appelle « une femme de la haute ».
Ayant presque toujours vécu avec sa grand-mère et son frère dans la propriété des Bellefleur sur Magnolia Creek Road, Portia avait grandi dans une sorte de splendeur décadente. Maintenant que l’ancienne demeure avait été retapée, sa grand-mère recevait beaucoup plus et, chaque fois que j’avais croisé Portia en ville, elle m’avait paru nettement plus épanouie. Elle ne venait pas beaucoup Chez Merlotte, mais quand c’était le cas, elle se montrait plus disponible, plus ouverte aux autres. Il lui arrivait même de sourire – ce qui n’était pas du luxe : à tout juste trente ans, Portia n’avait pour tout attrait que son épaisse chevelure brune bien lisse et bien brillante.
Portia pensait «mariage », et Nikkie pensait «pognon ».
— Il faut que j’en reparle avec Halleigh, mais je pense que nous aurons besoin de quatre cents faire-part, disait Portia.
J’ai bien cru que ma mâchoire allait se décrocher.
— Aucun problème, Portia. Si cela ne vous ennuie pas de payer le supplément pour commande express, nous pourrons les avoir sous dix jours.
— Oh, parfait ! s’est exclamée Portia, manifestement ravie. Bien sûr, Halleigh et moi porterons des robes différentes, mais nous avons pensé que, pour les demoiselles d’honneur, nous pourrions choisir la même. Qu’en dites-vous ?
Quant à moi, j’étais morte de curiosité. Portia allait donc se marier, elle aussi ? Avec ce grand échalas de comptable qu’elle fréquentait, ce type de Clarice ? Nikkie m’a aperçue de l’autre côté du portant (ma tête dépassait). Elle a profité de ce que Portia était plongée dans le catalogue pour me faire un clin d’œil. Elle était super contente d’avoir une aussi riche cliente, ça se voyait, et nos relations étaient de nouveau au beau fixe. Ouf !
— Je pense que ce serait vraiment très original d’avoir le même modèle dans des couleurs différentes – des couleurs assorties, naturellement, a déclaré Nikkie. Combien de demoiselles d’honneur y aura-t-il ?
— Cinq chacune, a répondu Portia, toute son attention focalisée sur la page ouverte devant elle. Pourrais-je emporter un exemplaire du catalogue à la maison pour que Halleigh et moi le regardions ensemble ce soir ?
— Je n’en ai que deux, dont un pour la boutique. Vous savez, c’est aussi comme ça qu’Isabelle Mariage fait des bénéfices : en vendant ce satané catalogue à prix d’or, a expliqué Nikkie avec son plus charmant sourire. Je vous le laisse si vous me jurez solennellement que vous me le rapporterez demain.
Portia a juré en levant la main droite comme au tribunal, avant de caler le volumineux catalogue sous son bras. Elle portait une de ses tenues d’avocate : tailleur à jupe droite dans un genre de tweed marronasse, chemisier de soie beige, collants beiges, chaussures à talons plats de la même teinte et sac à main coordonné. Hyper sexy !
Portia était exaltée et, bombardé d’images de bonheur idyllique, son cerveau faisait des bonds de cabri. Elle savait qu’elle aurait l’air un peu vieille pour une mariée, surtout à côté de Halleigh. Mais, bon sang ! Elle allait enfin se faire passer la bague au doigt ! Elle aussi aurait droit aux réjouissances, aux cadeaux, à l’attention générale et à la belle robe, sans même parler de la reconnaissance que lui apporterait son statut de femme mariée. Enfin, elle aurait un mari à elle ! Elle a levé les yeux et m’a surprise en train de l’espionner pardessus le portant des pantalons. Son bonheur était tel qu’il englobait la terre entière, y compris moi.
— Bonjour, Sookie ! s’est-elle écriée. Andy m’a dit que votre aide lui avait été précieuse pour faire sa petite surprise à Halleigh. J’apprécie. Si, si, vraiment.
— Ça m’a amusée, lui ai-je confié en lui adressant ma propre version d’un sourire avenant. Alors, c’est vrai ? Les félicitations sont à l’ordre du jour pour vous aussi ?
Elle s’est rengorgée.
— Eh bien, oui, je vais me marier. Et nous avons décidé de faire une double cérémonie avec Andy et Halleigh. La réception aura lieu à la maison.
Évidemment. À quoi bon avoir une baraque pareille si on ne peut pas y donner une réception ?
— Ça va être un sacré boulot d’organiser un tel mariage pour... Pour quand, au fait ?
J’essayais de prendre un ton compatissant et réellement intéressé.
— Pour avril. Ne m’en parlez pas ! s’est exclamée Portia. Grand-mère est déjà à moitié folle. Elle a fait le tour de tous les traiteurs de sa connaissance, en espérant en réserver un pour le deuxième week-end d’avril. Mais elle a dû finalement se rabattre sur Extreme(ly Elégant) Events parce qu’ils avaient justement une annulation à cette date : encore une chance. Et le P-D.G de Sculptured Forest doit venir la voir cet après-midi.
Sculptured Forest était la première entreprise de paysagistes et de jardiniers professionnels de la région (si l’on en croyait leurs omniprésentes publicités, du moins). Sculptured Forest et Extreme(ly Elégant) Events pour la même cérémonie ? Ce double mariage s’annonçait vraiment comme l’événement mondain de l’année à Bon Temps !
— Nous envisageons un mariage en extérieur, avec des tentes dressées dans le parc, derrière la maison, m’a-t-elle précisé. En cas de pluie, nous serons forcés de nous replier sur l’église pour la cérémonie et sur la salle des fêtes pour la réception. Mais nous croisons les doigts.
— Formidable !
Qu’est-ce que vous vouliez que je dise d’autre ?
— Mais comment allez-vous trouver le temps de travailler, avec tous ces préparatifs ?
— Oh ! Je ne me fais pas de souci. Je m’en sortirai.
Mais pourquoi cette précipitation, au fait ? Pourquoi les futurs mariés ne patientaient-ils pas jusqu’à l’été, quand Halleigh serait en vacances ? Pourquoi ne pas attendre que Portia puisse libérer assez de temps dans son planning pour organiser un mariage en grande pompe, dans les règles de l’art, avec lune de miel dans la foulée ?
A moins que...
Oh oh ! Peut-être Portia était-elle enceinte... En tout cas, si c’était le cas, elle n’y pensait pas. Et je voyais mal comment elle aurait pu faire autrement. Franchement, moi, si jamais je découvrais que j’attendais un bébé, je serais tellement contente ! Enfin, encore faudrait-il que le père m’aime et qu’il soit prêt à m’épouser, parce que je ne me sentais pas de taille à élever un gamin toute seule. Ma grand-mère se retournerait dans sa tombe si jamais je me retrouvais mère célibataire. L’évolution des mentalités sur le sujet lui était complètement passée au-dessus de la tête, et sans même la décoiffer !
— Donc, si vous pouviez réserver le deuxième samedi d’avril...
Avec toutes ces idées qui me trottaient dans la tête, il m’a fallu un petit moment pour réagir. Portia m’a adressé un grand sourire (enfin, aussi grand que pouvait l’être un sourire de Portia Bellefleur).
Je lui ai promis d’être là, en essayant de pas trop me prendre les pieds dans le tapis, tant j’étais sidérée. La fièvre nuptiale devait lui monter à la tête, ma parole ! Qui pourrait bien vouloir de ma présence à ces noces ? On n’était pas franchement copains, les Bellefleur et moi.
— Nous avons demandé à Sam de s’occuper du bar à la réception, a-t-elle enchaîné.
Ah ! Les choses rentraient dans l’ordre : elle voulait que je vienne pour aider Sam.
— Un samedi après-midi ?
Sam acceptait parfois des engagements à l’extérieur, mais le samedi était notre plus grosse journée Chez Merlotte.
— Non, le soir.
— Ah ! Je vois.
J’avais dit ça sans arrière-pensée, mais elle a dû y voir un sous-entendu parce qu’elle a soudain piqué un fard, avant d’ajouter, comme si j’avais sollicité des explications :
— Glen souhaite inviter certains de ses clients. Or... ils ne peuvent pas venir avant la tombée de la nuit.
Glen Vicks ! C’était ça, le nom du comptable. Ouf ! J’étais soulagée de l’avoir retrouvé. Et puis, brusquement, tout s’est éclairé. Voilà donc pourquoi Portia était si mal à l’aise : elle voulait me faire comprendre que les clients de Glen étaient des vampires. Tiens, tiens, tiens...
Je lui ai adressé mon plus beau sourire.
— Je suis sûre que ce sera un très beau mariage, et je ne raterais ça pour rien au monde... d’autant que vous avez l’extrême gentillesse de m’inviter.
J’avais délibérément feint le quiproquo, et comme je m’y attendais, Portia s’est empourprée de plus belle. C’est alors que, une pensée en entraînant une autre, un truc m’est venu à l’esprit.
— Portia...
Je parlais lentement, pour être bien sûre qu’elle m’accorderait toute son attention.
— ... vous devriez inviter Bill Compton.
Portia détestait Bill. Enfin, elle détestait tous les vampires, en général, mais Bill en particulier. D’autant plus que, pour mener à bien une de ses petites enquêtes personnelles, elle était brièvement sortie avec lui. Ce n’était que plus tard que Bill s’était découvert une lointaine parenté avec elle : Portia était son arrière-arrière-arrière-petite-fille ou quelque chose comme ça.
Bien qu’il ne se soit fait aucune illusion quant au prétendu intérêt que Portia lui portait, Bill était entré dans son jeu. À l’époque, il cherchait juste à savoir où elle voulait en venir. Il s’était alors aperçu qu’il lui suffisait d’approcher Portia pour lui filer la chair de poule. Pourtant, quand il avait découvert que les Bellefleur étaient ses seuls descendants, il leur avait anonymement fait don d’un sacré paquet de pognon.
Je lisais clairement dans les pensées de Portia. Elle se disait que je faisais exprès de lui remémorer ses quelques rendez-vous avec Bill, or elle n’avait aucune envie qu’on les lui rappelle.
— Pourquoi cette suggestion ? m’a-t-elle cependant demandé d’une voix glaciale.
Vu la colère qu’elle réprimait, je l’admirais de ne pas m’avoir tout bonnement tourné le dos pour sortir de la boutique en claquant la porte. Pendant ce temps, Nikkie s’affairait derrière le comptoir d’Isabelle Mariage. Je savais qu’elle nous écoutait, évidemment.
— Laissez tomber, lui ai-je répondu à contrecœur. Après tout, c’est votre mariage : vous invitez qui vous voulez.
À la façon dont elle me dévisageait, on aurait pu penser qu’elle ne m’avait encore jamais vue.
— Vous le fréquentez toujours ? a-t-elle murmuré.
— Non. Il sort avec Shela Pumphrey.
J’avais veillé à garder un ton neutre et une voix égale.
Portia m’a jeté un regard indéchiffrable, avant de quitter la boutique sans ajouter un mot.
— Qu’est-ce que c’était que cette histoire ?
Portia n’avait pas encore rejoint sa voiture sur le parking que, déjà, Nikkie me tombait dessus. Comme je ne pouvais rien lui dire, j’ai préféré changer de sujet. Il me suffisait de faire vibrer la corde commerciale de ma grande copine.
— C’est super que tu aies décroché cette affaire. Je suis vraiment contente pour toi.
— Merci. Si elle n’avait pas été prise de court, tu peux être sûre que Portia Bellefleur n’aurait jamais passé commande chez Isabelle Mariage, a-t-elle reconnu. Elle aurait encore préféré faire des milliers d’allers-retours à Shreveport et tout commander là-bas. Halleigh ne fait que suivre le mouvement, la pauvre. Elle doit venir cet après-midi. Je vais lui montrer les mêmes choses qu’à Portia, et elle devra faire avec. Mais, pour moi, c’est tout bénéfice. Et elles font la totale, pour la simple et bonne raison qu’Isabelle peut tout leur livrer en temps et en heure : les faire-part, les cartes de remerciement, les robes, les jarretières, les bouquets des demoiselles d’honneur... Elles prennent tout ici. Soit dans mon stock, soit dans le catalogue d’Isabelle. Même la grand-mère de Portia et la mère de Halleigh s’habilleront chez moi.
Elle m’a alors jeté un coup d’œil professionnel, me reluquant de haut en bas.
— Qu’est-ce qui t’amène, au fait ?
— J’ai besoin d’une tenue pour aller voir une pièce de théâtre à Shreveport. J’ai un rendez-vous, lui ai-je expliqué en coulant vers elle un regard complice. Et je dois passer à la supérette et être rentrée à la maison à midi pour préparer le déjeuner. Jason vient manger avec moi. Alors, tu as quelque chose à me montrer ?
Le regard souriant de ma bonne copine s’est brusquement fait prédateur.
— J’ai précisément ce qu’il te faut...